ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 454 - 15/04/2003

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 Gabon - Guinée-Equatoriale
L’île Mbanié: le différend ressurgit


RELAT. INTERNAT.


Le Gabon et la Guinée équatoriale avaient été sur le pied de guerre en 1972,
lorsque le président Omar Bongo s’était rendu sur l’île Mbanié 
pour y planter le drapeau gabonais. La visite récente et fort médiatisée sur cet île d’Ali Bongo, ministre de la Défense, a ravivé une querelle vieille de plus de 30 ans…

La déclaration, courant février, du Premier ministre équato-guinéen Candido Muatetema Rivas, selon laquelle l’occupation de l’île Mbanié par le Gabon serait illégale, a été qualifiée par son homologue gabonais, Jean François Ntoutoume Emane, de «regrettable et inopportune», rappelant que le Gabon «marque sa volonté de préserver la politique de dialogue et de bon voisinage (…)».

La situation entre les deux micro-Etats pétroliers s’est tendue, peu après la visite effectuée sur cette île, le 26 février, par le ministre de la Défense Ali Bongo, à une unité de gendarmerie installée sur l’île. L’intervention du chef du gouvernement équato-guinéen coincidait avec un entretien à Libreville entre le président Omar Bongo et un envoyé spécial du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, porteur d’un message ayant trait à cette île qu’on qualifie de “pétrolière”, située plus près du Gabon que de la Guinée équatoriale.

L’île Mbanié, d’une étendue de quelque 30 hectares, se situe à une trentaine de kilomètres des côtes gabonaises, près de l’île Corisco, une autre île plus grande et presque vierge située à quelques milles nautiques du Cap Estétias. L’île Mbanié était autrefois appelée “l’île aux rats” à cause de l’énorme colonie de rats qu’elle abritait. Aujourd’hui, ce sont de gigantesques colonies de crabes qui partagent le site avec les pêcheurs. Mais on soupçonne cette île de regorger de réserves pétrolières, un aspect économique qui pourrait raviver la discorde entre les frères ennemis. «L’île Mbanié a été découverte par l’explorateur espagnol Manuel Iradier, qui avait réussi à remonter le Rio Muni. Puis vinrent les Portugais qui furent émerveillés par le sable immaculé de ces îles. Le sable de Mbanié est si blanc qu’il est utilisé comme dentifrice», raconte un habitant de l’île.

De présumées réserves de pétrole

Les eaux autour de l’île Mbanié seraient susceptibles de renfermer des gisements pétroliers à l’image de la presqu’île de Bakassi, objet d’un différend entre le Nigeria et le Cameroun. Une commission du golfe de Guinée, créée en 1999, devrait permettre de régler ce différend pour éviter que la situation ne dégénère dans une zone où les frontières du Gabon et de la Guinée équatoriale ne sont pas bien définies. Cet aspect a été évoqué dans un communiqué diffusé à la radio équato-guinéenne, où M. Candido Muatetema Rivas déclarait: «Mon gouvernement exprime sa profonde préoccupation et son indignation face à l’occupation illégale de l’îlot de Mbanié par le Gabon». Il a ensuite exhorté le Gabon à se retirer de l’îlot, «dont la propriété territoriale n’avait pas été clairement tranchée par les anciens colonisateurs de ces deux pays, l’Espagne et la France».

«La visite sur l’île par M. Ali Bongo, avec à ses côtés le chef d’état-major de la gendarmerie et un détachement militaire, a été fortement médiatisée, au point d’irriter les Equato-Guinéens qui y ont vu une sorte de provocation», a expliqué un officier gabonais de la gendarmerie qui a requis l’anonymat. M. Ntoutoume Emane aurait favorisé l’escalade verbale, lorsqu’il a déclaré que «le Gabon est un Etat souverain qui tient à faire respecter sa souveraineté et se tient prêt à faire face à toute sorte d’agression. (…) Le gouvernement tient à rappeler à l’opinion nationale et internationale que la présence du Gabon sur l’île Mbanié ne date pas d’aujourd’hui mais remonte au début du XXème siècle, bien avant l’accession de la Guinée équatoriale à la souveraineté internationale».

Rivalité et méfiance

La rivalité entre les deux pays, sur le plan économique notamment, date de plusieurs années. La Guinée équatoriale, considérée comme le pays le plus pauvre de la sous-région, a gagné de la confiance et de l’orgueil depuis la découverte de pétrole dans ses eaux territoriales. Ses importants gisements la mettraient au 3e rang des pays producteurs de pétrole au sud du Sahara, d’ici 2005, et ce devant le Gabon dont les réserves s’amenuisent.

La Guinée équatoriale connaît un développement économique exceptionnel, qui a persuadé la plupart de ses ressortissants résidant au Gabon à rentrer au pays, dès que le salaire minimum a été fixé à 60.000 FCFA, alors que celui du Gabon stagne à moins de 50.000 FCFA depuis les années 70.

Le Gabon et la Guinée équatoriale partagent une frontière commune. Sur le plan alimentaire, la Guinée équatoriale et le Cameroun déversent sur les marchés gabonais une quantité non négligeable de vivres, nécessaires à ses populations. En effet, depuis plusieurs décennies, l’agriculture n’a pas été une priorité concrête du gouvernement pour assurer l’autonomie alimentaire du pays. La rivalité entre ces deux pays voisins, pourtant membres de la CEMAC, s’explique par le désir des Equato-Guinéens de ne faire aucune concession sur l’île Mbanié, et surtout de prendre une belle revanche, ayant été longtemps humiliés par les Gabonais qui leur confiaient de petits travaux (ménage, coursier, cuisinier, jardinier ou chauffeur) pour des salaires de misère.

L’îlot de Mbanié, objet de la discorde, avait déjà été à l’origine d’une mini-crise entre les deux pays en 1972. Crise qui avait nécessité une médiation internationale conduite par le défunt président de l’ex-Zaïre, le maréchal Mobutu sese Seko. Le Gabon et la Guinée équatoriale revendiquent chacun la possession territoriale de trois petites îles, dont Mbanié, qui n’avait pas été clairement tranchée par une convention signée en 1900 entre la France et l’Espagne, leurs anciens colonisateurs respectifs.

Revers de l’exploitation pétrolière

La polémique sur Mbanié, dont les environs renfermeraient du pétrole, resurgit au moment où les deux pays suivent des performances pétrolières opposées.

Le Gabon, fief pendant trois décennies du groupe pétrolier français TotalFinalElf (ex-Elf Aquitaine) en Afrique centrale, est confronté depuis 1993 à un déclin progressif de sa production qui pèse lourdement sur ses finances publiques. Par contre, la Guinée équatoriale connaît un boom pétrolier fulgurant depuis le début des années 1990, sous l’impulsion des plus grandes compagnies pétrolières américaines.

Le Gabon, situé en bordure de l’océan Atlantique a une superficie totale de 267.670 km2, dont plus de 85% sont constitués de forêt équatoriale. La population est estimée à 1,3 million d’habitants depuis 1994, dont 54% de ruraux. La densité moyenne de la population est à peine de 5 hab./km2. La société rurale est actuellement marquée par une féminisation de sa population, principalement à cause des migrations des hommes vers la ville et les zones d’activités liées au pétrole. L’agriculture occupe environ 60% de la population active, mais ne représente que 6,3% du PIB. L’économie est en effet dominée par le pétrole qui constitue 47% du PIB, 60% des recettes budgétaires et 80% des exportations, d’où la dépendance du Gabon envers l’extérieur pour satisfaire ses besoins alimentaires.

La croissance économique de la Guinée équatoriale devrait afficher bientôt un potentiel de production pétrolière de 500.000 barils/jour. Une raison justifiée pour conserver l’île Mbanié. Tout nouvel apport en hydrocarbures permettrait au pays d’éliminer la pauvreté et de déployer une politique de développement humain, notamment en se dotant d’infrastructures et d’une main-d’œuvre qualifiée qui lui fait cruellement défaut dans tous les secteurs.


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